(1-0-2-0 / 0-0-0-0 / celesta-harpe-vibraphone-marimba / 2-0-2-2-0)
Création par J.-P. Arnaud et l’Ensemble 2E2M, dir. P. Méfano au Centre Georges Pompidou, Paris mai 1990
Commande de l’Ensemble 2E2M
Durée : 15 min.
Editions Jobert (Paris) – anciennement éditions Henry Lemoine
in CD Présences ‘92 festival de Radio France, Adès-MFA; J.-P. Arnaud, Ensemble Alternance, Dir. F. Bollon
La série de mes partitions intitulées Marges développe, d’une pièce à l’autre, plusieurs caractéristiques commune s: un instrument soliste, une forme et une durée volontairement resserrée, enfin l’étude de techniques d’écriture déterminées.
Marges I (pour clavecin amplifié et un percussionniste) est directement issue d’une organisation harmonique déjà présente dans Seuil Déployé (crée par l’Ensemble 2E2M en mars 1989) : les cordes pincées provoquaient une écriture furtive et rapide à laquelle répondait les éclaboussures des résonances du vibraphone et des gongs ou la sécheresse des bongos et temple-blocks.
Marges II (pour piano et 9 instrumentalistes) prolonge certaines orientations de Marges I tant en se souvenant d’autres aspects de Seuil Déployé : l’écriture pianistique engendre les mêmes éclaboussures mais aussi des complexes de timbres directement déduits de la partie soliste.
Marges III poursuit donc des enjeux similaires du cycle tout en les développant : un instrument solo (le hautbois), un effectif retreint (13 musiciens) et une durée compacte (15 minutes). L’œuvre ne doit cependant rien à un matériau préexistant tout en poursuivant une organisation formelle que j’avais explorée dans Là (pour clarinette solo) : des sections s’enchaînaient soit par contraste ou complémentarité mais restaient autonomes et étanches. Pour Marges III, l’agencement est plus mobile et multiple : il n’y a plus stricte adéquation entre les blocs harmoniques, les figurations et les tempi : chaque composante de l’écriture peut dériver, d’une structure à l’autre, et imprime de ce fait une nouvelle orientation au matériau initial. Tout ceci affecte non seulement la partie de hautbois solo, mais également l’écriture de l’ensemble instrumental dont les échos et dérives au soliste sont déduits. Il n’y a donc pas a proprement parler dialogue mais prolongement vertical et/ou diagonal, la forme concertante est à la fois phonique et structurelle : l’ensemble instrumental est en définitive, traité à la manière d’un double du hautbois.
Si je devrais comparer Marges III à une œuvre picturale, je songerais au tableau de Paul Klee Hauptweg und Nebentwege dont le projet – je ne parle pas de la réalisation – me semble similaire : un chemin principal – qui serait dans ma partition le soliste – et les routes secondaires et dérivées, multiples du trajet premier – que formerait les réponses au soliste de l’ensemble instrumental. Je citerai également Roland Barthes : « Cela vacille encore, j’achoppe, j’embrouille. De toute manière il y aura toujours une marge d’indécision la distinction ne sera pas sûre, le paradigme grincera, le sens sera précaire, révocable, réversible, le discours sera incomplet ».
Marges III a été composé en collaboration avec Jean-Pierre Arnaud que je tiens à remercier chaleureusement pour sa patience et sa compétence. Ses encouragements m’ont permis de dépasser les limites et les craintes que je m’imposais lorsque j’écrivais pour un instrument que je croyais plus fragile qu’il ne l’est en réalité.
Frédéric Durieux