Commande de l’ensemble Alternance
Création par l’ensemble Alternance, salle Cortot, Paris mars 2003
Dédicace : à l’ensemble Alternance
1/ partir
2/ bercer (in memoriam Gérard Grisey)
Durée : 8 minutes
Edizioni Musicali RAI Com (Roma, Milano) – anciennement éditions Jobert
J’ai toujours eu une tendresse particulière pour les cycles de pièces brèves. Dans ce domaine, mes préférences vont notamment à Chopin et Debussy dont les préludes et études pour piano font partie de mes partitions de prédilection. Depuis quelques années je songeais à composer un cycle de ce genre non pas pour piano seul mais pour un ensemble de musique de chambre, sans cuivre ni percussion.
Le principe des Études en Alternance est très simple : chaque pièce est une étude d’écriture et de composition. Rythme, tempo, caractère, mélodie, harmonie, contrepoint, etc … Les sujets ne manquent pas et je pense aujourd’hui pouvoir composer une série de 6 pièces.
J’ai choisi de démarrer ce travail par deux mouvements très opposés. Le premier est basé sur un tempo vif qui n’est pas sans évoquer un scherzo. Figures binaires et ternaires s’opposent et s’entrecroisent ; les phrases filent à vive allure, coupées de blocs harmoniques furtifs et violents, le tempo et la périodicité rythmique disparaissent et réapparaissent sans cesse ; etc… C’est un mouvement peuplé de fantômes espiègles et rageurs, un jeu de rapt sur des archétypes de souvenirs embrouillés.
Le second mouvement est une sorte de berceuse triste. Sur la régularité récurrente des arpèges du piano, se greffent les sons flottants et incertains des autres instruments. Au tempérament égal du piano se superposent les micro-intervalles des bois et de cordes. Ce mouvement est un double hommage au deuxième des Quatre chants pour franchir le seuil de Gérard Grisey (la première figure de trois sons joués au piano citant la première figure de la harpe dans la partition de Grisey) et au Lamento della ninfa du VIIIe Livre des madrigaux de Monteverdi.
Ce qui unit ces deux mouvements, au-delà des contrastes de tempos et de caractères, c’est sans doute cette articulation des opposés en vue d’une dynamique du discours et de la forme. Cette recherche s’apparente-t-elle à la quête de l’ultime reliquat de la sonate ? Se révélera-t-elle chimère ou cause perdue ? Qu’importe : je poursuis ce désir d’une construction active. En me souvenant du titre de ma première partition un tant soit peu présentable : Épars, Indivisible.
Une fois les six Études composées en un recueil, il sera possible de jouer une ou plusieurs pièces, sans obligation de donner l’intégralité, avec ou sans chef, selon les desiderata, les envies ou les contingences de toutes sortes. C’est l’avantage des recueils d’offrir ces entrées libres.
Le titre est bien évidemment un clin d’œil aux musiciens de l’ensemble à qui cette partition est dédiée.
Frédéric Durieux